Des barrières en ciment ont été posées par les autorités sur le terrain du campement de Loon-Plage tout juste évacué, le 4 octobre 2022. Crédits : Olivier Schittek
Des barrières en ciment ont été posées par les autorités sur le terrain du campement de Loon-Plage tout juste évacué, le 4 octobre 2022. Crédits : Olivier Schittek

Aujourd'hui et hier, les forces de l'ordre ont démantelé le campement de Loon-Plage, non loin de Dunkerque, où survivent près de 700 exilés. Depuis septembre, les expulsions s'y succèdent une à deux fois par semaine. Mais cette fois, les forces de l'ordre ont déposé des barrières en ciment au milieu du terrain, restreignant l'accès des associations, mais aussi les possibilités d'évacuation en cas d'incendie.

Ce mercredi matin, le camp de Loon-Plage, près de Dunkerque, a été évacué par les autorités. Et ce, moins de 24 heures après une précédente évacuation. Mardi matin, "notre équipe de distribution n'a pu entrer sur le camp : elle s'est mise un peu plus loin, c'était barré par la police", relate Claire Millot, coordinatrice de l'association Salam dans le Dunkerquois, jointe par Infomigrants.

Les exilés sont revenus, après l'opération, se réinstaller sur le terrain. Ils seraient près de 700, selon les associations et collectifs, à survivre ici. Mais ce matin encore, une nouvelle opération d'évacuation a eu lieu. Cette fois, les associatifs ont repéré trois fois plus de fourgons de CRS que la veille : 23 au total, selon un décompte de Human Rights Observers (HRO) et Salam.

Certains migrants sont montés dans des bus pour des "mises à l'abri". D'autres "errent en attendant la fin de l'évacuation", raconte à Infomigrants Arran, bénévole de l'association Roots. Les équipes de cette association assurent un accès à l'eau pour le campement. Elles étaient présentes hier et aujourd'hui lors des évacuations. "La police a aussi arrêté des groupes de personnes. Mais comme d'habitude, ces personnes seront relâchées au bout de 24h voire le jour même", soupire le bénévole.

Une à deux évacuations par semaine

Pendant un mois, en août, les exilés de Loon-Plage avaient eu un répit : les autorités se sont gardées d'évacuer le campement. Mais fin août, une importante expulsion a eu lieu, après des fusillades déclenchées dans des circonstances encore troubles.

Depuis lors, le rythme des expulsions s'enchaîne. "Ce n'est pas un jour sur deux comme à Calais. Mais quand même, depuis septembre, c'est à peu près une évacuation par semaine. Voire deux. La semaine dernière, ils en ont aussi fait deux jours de suite", expose Claire Millot.

Pendant les évacuations, les migrants patientent sur le côté. Ils parviennent plus ou moins à emmener avec eux leurs affaires. Mais "depuis deux semaines, on constate qu'il y a vraiment une saisie par les forces de l'ordre des biens des personnes", relate Diane Léon, coordinatrice du programme nord littoral de Médecins du Monde, auprès d'Infomigrants. "Ils ont pris les tentes, les bâches, les sacs de couchage et des effets personnels", liste Arran.

Des blocs de ciment constituant "des entraves à la solidarité"

Cette fois, lors de l'évacuation, les autorités ont placé des blocs de ciment sur le terrain. Le collectif Human Rights Observers (HRO) en décompte huit. "Il s'agit d'une entrave à la solidarité et à l'action des associations", fustige Diane Léon. "Les associations ne peuvent plus circuler et les personnes exilées non plus. On a une réponse sécuritaire de l'État à un problème d'ordre humanitaire", déplore-t-elle.

Human Rights Observers dénombre huit barrières de ciment au milieu de l'emplacement du campement de Loon-Plage, évacué le 4 puis le 5 octobre. Crédits : Olivier Schittek
Human Rights Observers dénombre huit barrières de ciment au milieu de l'emplacement du campement de Loon-Plage, évacué le 4 puis le 5 octobre. Crédits : Olivier Schittek

À cause de ces nouveaux blocs de ciment, les équipes de l'association Roots ont dû déplacer deux de leurs quatre containers d'eau à l'entrée du campement, pour que les exilés puissent encore les utiliser. L'accès à l'eau, qui n'est pas assuré par les services publics, est pourtant un enjeu fondamental à Loon-Plage.

Cet été, un jeune homme était décédé en allant se laver dans un canal voisin. Les conséquences sur la santé des migrants sont également directes : "on bat des records sur des soins dermatologiques : cela représente la moitié de nos consultations. Et il s'agit majoritairement de la gale : une maladie pas trop compliquée à traiter, mais qui est liée au manque d'hygiène et d'accès à l'eau", raconte la coordinatrice de Médecins du Monde.

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Les capacités d'intervention des pompiers limitées

En outre, ces blocs de ciment pénalisent les capacités d'intervention des secours et des pompiers, selon les associations sur place.

Aux alentours du campement, les autorités avaient déjà positionné ça et là des blocs de ciment, empêchant un stationnement optimal des véhicules associatifs. La semaine dernière déjà, "on a dû annuler une de nos cliniques mobiles parce que l'on n'avait pas la possibilité d'entrer et de sortir en toute sécurité", évoque Diane Léon. Ce nouveau barrage, en plein milieu du terrain, va encore compliquer l'affaire.

En mars dernier, du côté de Grande-Synthe, au Pont à Roseaux, des plots en béton avaient déjà été placés pour faire barrage de la même façon. Au vu des risques en cas d'incendie, "les pompiers eux-mêmes avaient protesté, et fait bouger le dispositif. Les pompiers, on les écoute plus que nous", soupire Claire Millot de Salam.

 

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