Depuis mardi soir, un nouveau campement a vu le jour à la porte d’Aubervilliers, dans le 19e arrondissement parisien. Essentiellement constitué de familles avec enfants, ce camp composé d'une cinquantaine de tentes est supervisé par l’association Utopia 56. Les militants du collectif espèrent interpeller les pouvoirs publics sur les défaillances de l’hébergement pour les publics les plus fragiles.
Les enfants courent entre les tentes vertes Quechua coincées sur un bout de trottoir, boulevard McDonald, dans le nord de Paris. La présence de ces abris de fortune dénotent avec les dizaines d'enseignes du centre commercial Le Parks situé à quelques mètres de là, sur le même trottoir. Depuis mardi 9 juillet, un nouveau campement d’une centaine de personnes a vu le jour près de la porte d’Aubervilliers - où des dizaines de migrants dorment déjà depuis des mois, cachés dans les parcs, des jardins publics ou sous le périphérique.
Cette fois-ci, les tentes ont été installées en pleine ville dans la soirée de mardi.
Le lendemain matin, ce mercredi, des agents de sécurité de la ville de Paris sont venus constater leur présence. "Nous les comptabilisons pour faire un rapport, c'est tout", explique l'un d'entre eux. Les agents ont l'air assez surpris. "Il n'y avait personne hier, ils sont arrivés cette nuit ou ce matin".
La plupart des occupants sont des familles, des femmes
seules, des mères célibataires. On compte, en tout une centaine de personnes : beaucoup
de femmes et d’enfants. Ce matin-là, presque la moitié des migrants a
moins de 15 ans. Les poussettes garées entre les tentes trahissent le nombre de
mineurs en bas âge. Les nationalités sont nombreuses : érythréen, afghan, iranien, ivoirien, géorgien, irakien...
Le nombre élevé de famille dans le camp n’est pas un hasard.
L’association d'aide aux migrants, Utopia 56, a voulu
"visibiliser" ce public fragile. L'association a donc incité les migrants à ne plus se cacher. "Il faut que l’État
prenne ses responsabilités et loge ces personnes", explique Julie, membre
de l’association présente sur le camp ce mercredi matin. "Il fallait que l'État se rende compte que ces gens existent".
A l'entrée d'une tente, une femme, Géorgienne, donne le biberon à son nouveau né. "J'ai deux autres enfants. Nous sommes arrivés il y a quatre mois, nous dormons à la rue. Ici, au moins, j'ai une tente", explique-t-elle. À côté d'elle, une Ivoirienne d'une trentaine d'année surveille son petit garçon de 4 ans qui court sur le trottoir. "Nous essayons de nous faire enregistrer comme demandeurs d'asile, mais personne ne répond jamais sur le numéro à appeler", se désole-t-elle. "Alors nous vivons là... Mais on aimerait bien avoir un toit".
"Laquelle de ces femmes enceintes aurait droit à un lit ? Lequel de ces enfants a le droit à un toit ?"
Pourquoi "visibiliser" les migrants maintenant ? Selon Utopia 56, l'été arrivant, les réseaux d'hébergement solidaire se réduisent. Et la plupart des familles se retrouvent à la rue. "Auparavant, on arrivait à trouver des places chez des particuliers", précise Julie. "Mais pendant
la période estivale, nos
hébergeurs sont en vacances. Nous n’avons plus assez de places pour venir
en aide à tous ces enfants. Nous sommes saturés", continue-t-elle.
Chaque soir de ces derniers jours, explique Utopia 56, il fallait choisir entre plusieurs familles pour savoir laquelle aurait le droit de passer la nuit sous un toit, chez un hébergeur solidaire. Le dilemme était devenu impossible. "Nous n’en pouvions plus de devoir choisir. Laquelle de ces femmes enceintes auraient droit à un lit ? Quel enfant plutôt qu’un autre ? C’était insupportable".
>> À relire : Les "frais cachés" des
migrants, ce que coûte l’asile aux demandeurs en France
Dans un communiqué envoyé mardi soir, Utopia 56 rappelle que son rôle n’est pas de se substituer à l’État. "L’hébergement solidaire n’est pas une solution en soi, il est un pansement posé en urgence". Utopia 56 rappelle encore que, depuis deux ans, son réseau d’hébergement solidaire a contribué à mettre à l’abri "entre 30 et 80 personnes par soir soit entre 1 000 et 1 500 nuitées par mois".
Selon la ville de Paris, entre 700 et 1 200 migrants dorment actuellement dans les campements situés entre la porte de la Chapelle et la porte d’Aubervilliers.